Pour sortir d'un univers souvent rude, des adolescents découvrent la musique
Pendant trois semaines, une quinzaine d'adolescents défavorisés des Bouches-du-Rhône composent, interprètent et enregistrent leurs propres chansons dans une "colonie de vacances" aux antipodes de la Star Academy.

Plusieurs musiciens ont pris l'initiative de ce projet baptisé "Crescendo" dont c'est la 5e édition. Les jeunes gens ont été orientés vers eux par des foyers de l'aide sociale à l'enfance où certains sont placés ou par des centres sociaux où ils pratiquent des activités.

"On ne tient pas à connaître en détails leurs problèmes. On sait qu'ils ont vécu des choses très dures, l'inceste ou la maltraitance. Le stage permet de les sortir de leur univers peuplé parfois de juges et de psys", explique Alain Ortéga, l'un des musiciens.

"Le but du projet est d'aboutir à un produit fini, un disque et des concerts" dans les villes où ils sont passés, poursuit-il.

Pendant la première semaine, début août, les 17 jeunes ont été hébergés à la Roque d'Anthéron (Bouches-du-Rhône) pour une session d'écriture, "quasiment la plus importante parce que ça soigne tout le monde", affirme Jean-Jacques Lion, saxophoniste chargé des arrangements.

"On a dû se creuser la tête pour trouver les mots, c'était dur", témoigne Ahmed, 15 ans. Avec Salem et Sophia, ils forment les "Lovers de la paix" et abordent des thèmes qui leur sont chers: la tricherie, la peur et la trahison, "surtout en amour", précisent-ils.

"On parle des choses qui nous entourent et la musique est un moyen plus facile de s'exprimer", assure Sophia, 16 ans et une jolie voix de soprano. Dictionnaire des rimes à l'appui, respectueux du nombre de pieds de chaque vers, les "Lovers" ont composé: "je rencontre, je m'évade", un opus poétique avec des séquences rappées.

A Aix-en-Provence ensuite, les apprentis chanteurs découvrent comment placer et coordonner leurs voix qui ratent parfois l'aiguillage. Ils répètent deux heures par jour, groupe par groupe, dans les étages du théâtre des Musicomédies: une cadence soutenue pour des adolescents peu habitués à se concentrer.

Ils confectionnent aussi leur page internet, une manière de les familiariser avec l'outil multimédia et de promouvoir leur travail.

La prochaine étape les fait déjà rêver: à Salon-de-Provence, ils vont enregistrer dans un studio professionnel, en conditions réelles. "Le séjour est comme un puzzle, ils accumulent des pièces et tout se met en place dans le studio. Ils comprennent pourquoi ils ont travaillé tel ou tel point", raconte Céline Gautier, l'intervenante internet qui suit le projet depuis quelques années.

"C'est l'anti Star Ac: pas de sélection des candidats, pas d'élimination et tout un processus de création en amont!", observe la jeune femme.

Ultime reconnaissance de leur travail, une fois le disque enregistré, les enfants seront déclarés comme auteurs à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). A leur majorité, s'ils font les démarches, ils pourront récupérer leur droits. "Pas inutile", soutient le musicien Jean-François Boulade, "quand le dernier CD a bien tenu dans les classements des radios locales où il a été diffusé".

© AFP.

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