L'ado dans la société
Quand on recherche les différences entre un jeune de 16/17 ans et un jeune adulte, on peut avoir du mal à en trouver.
Du point de vue physique, l'adolescent est en pleine possession de ses moyens (il suffit de voir le nombre de champions de cet âge en gymnastique, au tennis ou en natation).
Du point de vue intellectuel, son système de pensée est celui de l'adulte; il ne lui manque que l'expérience, mais guère moins qu'à un jeune de 19 ans.
Du point de vue sexuel, il est en pleine possession de ses moyens.
Ce qui définit avant tout l'adolescent, c'est son statut social de mineur non?responsable et ses rapports avec deux institutions : l'école et la famille.
Dans certaines civilisations dites primitives, dans des situations de crise grave (Iran, Nicaragua, Allemagne à la fin de la guerre), des jeunes de 14 ans ont eu des responsabilités d'adultes: familiales, politiques et même militaires.
Ce constat ne signifie pas que l'adolescent est un adulte emprisonné dans son statut de mineur.
Ce statut légal et les obligations qui en découlent par rapport à la famille, au système scolaire et au monde du travail conditionnent une personnalité adolescente bien particulière.
Développement physique
Chez les garçons, l'adolescence est une période d'intenses bouleversements
- la croissance en taille se ralentit, mais le poids augmente
- la musculature se développe
- apparition des poils faciaux et thoraciques
- apparition des spermatozoïdes
Chez les filles, c'est la continuation et la fin de la puberté
- apparition des poils sous les aisselles
- dans certains cas, première ovulation (qui peut survenir avec un décalage par rapport aux premières règles)
Pour les deux, c'est la période désagréable de l'acné.
L'adolescent augmente sa résistance et son endurance physiques. Mais il a encore une grande fatigabilité, et un besoin de récupération (sommeil).
Il a besoin de dépense physique: c'est la période où la plus grande proportion d'une tranche d'âge pratique un sport. Il a besoin d'une nourriture abondante.
Développement de la pensée et de la personnalité
L'adolescent possède pleinement la pensée abstraite: il s'en sert pour manier des concepts abstraits, qu'il confronte et oppose à d'autres concepts.
Cette période est celle des grandes spéculations métaphysiques, scientifiques, philosophiques ou politiques. L'adolescent utilise sa pensée conceptuelle pour répondre aux grandes interrogations sur ses origines et surtout son devenir.
Il a besoin de confronter ses spéculations à d'autres positions : il va rechercher les grandes discussions où on passe la nuit à refaire le monde. Il pourra d'ailleurs changer trois fois de positions au cours de cette discussion, tout en gardant toujours la même virulence dans son ton. Ses prises de positions sont souvent intuitives, et manquent d'argumentation. |
L'essentiel est d'ailleurs souvent plus le fait de s'affirmer soi-même au travers de l'affirmation de ses idées que la portée des idées elles-mêmes. Il recherche à être original, dans le débat d'idées comme dans d'autres circonstances.
L'avenir (et son avenir, en particulier) est souvent un des sujets de ces spéculations: il cherche à se projeter dans l'avenir, en fonction de son idéal du moment.
Cette recherche de réponses et d'originalité est propice à un engagement ou tout du moins un idéal, qu'il soit idéologique, politique, religieux. Le fait de rejoindre «une cause» le rassure, car cela donne un sens et une structure à son action jusque là souvent désordonnée.
On dit de l'adolescence que c'est une seconde naissance. Et bien, cela se manifeste jusqu'au bout: comme dans la petite enfance, c'est la personnalité et ses exigences qui priment sur le raisonnement.
Cela explique le caractère absolu, voire «planeur» de l'expression de l'adolescent. Cela explique aussi qu'il soit influençable et vulnérable dans la discussion, bien souvent plus guidé par un besoin de contradiction que par une véritable certitude.
A cette tranche d'âge plus encore qu'à d'autres, il faut se méfier des généralisations. Si ce schéma général (pensée conceptuelle - constructions spéculatives - besoin de se confronter) est valable la plupart du temps, ses manifestations peuvent être très diverses.
Ainsi certains manifestent une grande ouverture et une écoute intéressée des opinions des autres. D'autres à l'inverse, se braquent très facilement et supportent mal la contradiction; il s'agit là de manifestations d'un caractère qui vient de bien plus loin que l'adolescence.
L'affectif
Le comportement affectif de l'adolescent est dominé par un besoin de sécurisation affective : il a besoin d'être compris, d'être reconnu, d'être aimé.
Là encore, il se recherche. La nature de ses rapports avec les autres se voit profondément modifiée: que ce soit avec ses parents, les autres personnes de son sexe ou de l'autre sexe. Il a besoin d'expérimenter la nouvelle nature de ces rapports (sexualité, rapports d'adulte à adulte avec ses parents) tout en continuant à être reconnu et aimé.
Dans sa découverte des rapports amoureux et de la sexualité, il a besoin de se rassurer, et donc d'abord de se plaire, d'avoir de l'estime de soi.
Or, c'est justement une période où le développement physique (ce nouveau corps qui ne me plaît pas), les premières expériences malheureuses (je ne suis pas capable d'être aimé) peuvent l'enfoncer dans un sentiment d'infériorité.
Les premières liaisons amoureuses sont vécues intensément. L'adolescent a soif de tendresse et d'absolu. Les premières ruptures, les premiers chagrins d'amour sont donc eux aussi très intenses, même s'ils ne durent pas toujours longtemps.
Après cette idéalisation commune aux garçons et aux filles, l'attitude diffère généralement par la suite entre filles et garçons. Les filles continuent à rechercher de la tendresse, si possible dans une relation durable, alors que certains garçons privilégient plus la sexualité et la recherche du plaisir.
Face aux difficultés que lui pose l'amour, l'adolescent peut réagir de différentes façons. Trois des plus fréquentes sont : |
- l'ascétisme : face à un désir accru, l'adolescent croit se mettre à l'abri par une interdiction accrue. Les manifestations peuvent être : fuite dans le travail, isolement dans sa chambre, manifestation de tristesse permanente...
- l'intellectualisation : au lieu de fuir devant les pulsions, l'adolescent tourne vers elle son intérêt, mais de façon purement abstraite. Les manifestations de l'intellectualisation sont celles qui ont été vues en début de chapitre : grandes spéculations intellectuelles, grands sentiments généreux sans prise concrète sur le réel...
- la sublimation : l'adolescent dérive ses pulsions vers des buts non sexuels, socialement valorisés, tel que la réussite scolaire, le sport de compétition, la prise de responsabilité.
Ces réactions représentent des passages dans la construction de la personnalité de l'adolescent, qui peuvent lui être nécessaires.
Par rapport à ses parents, il continue le processus de détachement ; il a surtout besoin de prouver sa capacité d'autonomie.
Cela peut se manifester par une poursuite - ou un début - de l'affrontement avec les parents, avec la volonté de matérialiser le détachement : fugue, chambre hors du domicile parental. Cela peut aussi se passer sans affrontement, avec la définition plus ou moins explicite d'un nouveau contrat avec les parents.
L'ado dans le groupe
L'adolescent a une conscience plus aiguë de la société qui l'attend. Il peut avoir différentes formes de réactions par rapport au système: rejet (militantisme, marginalité), acceptation (volonté de "réussir" consommation), dérision... Mais toutes ces réactions ont en commun une certaine virulence, une détermination marquée.
Devant tous les bouleversements qu'il ressent, l'adolescent a besoin de se rassurer dans un groupe d'adolescents à son image. Il va chercher à assumer sa personnalité à travers le groupe: confiance en soi, sécurité, renforcement du moi...
Ce groupe va secréter un mode de fonctionnement, un type de comportement stéréotypé propre à ce groupe marques de reconnaissance vestimentaire, langage et vocabulaire, activités...
Ce conformisme adolescent peut naître d'un refus du conformisme adulte; il peut au contraire l'imiter jusque dans ses excès.
L'adolescent acquiert de nouvelles capacités de responsabilité, reconnues même par le monde adulte (abaissement de l'âge de la majorité électorale à 18 ans, projet de permis de conduire à 16 ans, possibilité de se marier à partir de 15 ans, possibilité d'encadrer les CV à partir de 17 ans et les CLSH à partir de 16 ans).
Il a aussi un sens développé de la solidarité, lié à un besoin de justice. Ce sens de la solidarité trouvera son terrain d'application dans le groupe.
La vie sociale des adolescents peut prendre mille formes. En effet, le cadre de l'école unique a volé en éclats. La scolarisation n'est obligatoire que jusqu'à 16 ans, et il existe de nombreuses situations différentes :
- dans le système scolaire : lycées (avec toutes les sections possibles), lycées techniques, LEP-BEP, CFA...
- hors du système scolaire: apprentissage, travail régulier, intérim, Contrats Emploi?Solidarité (CES), chômage...
L'orientation scolaire et les perspectives d'avenir social déterminent de nombreux aspects du comportement des adolescents : attitude par rapport à la famille, à la société, estime de soi... |