Conceptions éducatives

[Invité jean]

C'est difficile d'avoir une question ou un débat précis au sujet des conceptions éducatives parce qu'il y en a sans doute autant que de gens sur terre... mais ça pourrait être intéressant d'en parler.

Récemment je suis parti une semaine, pour accompagner un groupe d'enfants, avec une "entreprise" qui ne me plaisait pas (je suis con de faire ça aussi! :D) et j'ai vu des choses que je trouvais surprenantes :

-des réactions des encadrants très variables selon l'humeur du moment. Un jour, un enfant se fait mal au genou et saigne, un encadrant lui dit "viens, je vais te soigner", et puis quelques temps plus tard, un autre enfant a exactement le même problème et l'encadrant lui dit : "eh bien tu n'as qu'à te débrouiller, tu sais où trouver un mouchoir".

Avant de partir en promenade, un encadrant sermonne un jour des enfants qui allaient partir sans appareil photo, et le lendemain il interdit les appareils photo, et ceci sans aucune justification.

-l'éducation "à la dure". Plus ça fait mal et mieux c'est. Un enfant a perdu quelquechose, on lui dit "débrouille-toi". Un enfant n'aime pas ce qu'il y a dans son assiette, on lui donne le choix entre tout avaler ou se passer de déssert. A chaque occasion, on engueule l'enfant, les enfants aiment l'autorité.

Un enfant ne sait pas faire quelquechose (par exemple il ne connaît pas son adresse pour écrire à ses parents), on l'engueule. Toutes les occasions sont bonnes pour donner des leçons ou faire la morale.

-le principe "quand j'avais ton âge..." ou "moi je l'ai fait, il n'y a pas de raisons que tu n'y arrives pas". Dans le style : "tu ne sais toujours pas faire ton sac, à ton âge?", et sur ces mots, l'encadrant vide le sac par terre au milieu de la chambre, et part en grognant : "je reviens dans 5 minutes, et si tu n'as pas tout rangé correctement, je mets toutes tes affaires dans le couloir" ou "tu seras privé de dessert" (à croire qu'il n'y avait que le dessert de bon :D). C'est un peu "recommence jusqu'à ce que tu y arrives". Note de moi : si l'enfant ne sait pas comment réussir, il aura beau essayer, il lui faudra un coup de chance pour deviner la solution (ou on peut lui dire, mais les encadrants dont je parle trouvaient que c'était "trop facile" pour les enfants).

-la "censure". Les encadrants choisissaient littéralement ce que les enfants "avaient le droit" de prendre en photo. Quelquefois le motif était détourné, par exemple lors d'une promenade on était pressés, et un encadrant disait : "ne prenez pas ça en photo, ce n'est pas intéressant" pour que le groupe avance.

Devant les réactions souvent démesurées et irrationnelles de ces gens je n'ai pas pu faire grand chose. D'abord parce que je ne savais pas comment réagir avec les enfants, si je l'autorisais à faire un truc il y avait toujours une possibilité pour qu'un autre encadrant "ne soit pas d'accord" (c'est totalement aléatoire, impossible à anticiper). Ensuite parce que j'étais en nombre inférieur :D (1 contre 3). Au bout de trois jours j'étais clairement repéré, je suis passé pour un laxiste.

Personnellement j'avais tendance à penser que ces méthodes étaient un peu dépassées. Seulement je constate que des animateurs que je connais, ayant quelques années d'expérience (2,3,4...), les utilisent. Et des jeunes animateurs. Biensûr ça ne va que rarement aussi loin que ce que je décris plus haut. Mais j'ai vu un jour un anim dire à un enfant : "toi je ne veux plus t'entendre pleurer". C'était dit sèchement et sans aucun autre dialogue à une fillette qui est manifestement pas bien dans sa tête. Plus généralement, je rencontre pas mal d'animateurs qui pensent que si l'enfant a un problème personnel, il doit se débrouiller pour en sortir. En gros ces anims ne veulent pas entendre parler des problèmes des enfants, c'est un comportement du type "débrouille-toi, je ne veux pas le savoir".

Je suis étonné de voir que des gens souhaitant ardemment travailler avec des enfants, des gens qui aiment le social, des gens qui prétendent suivre un projet educatif ou pédagogique, des gens qui veulent "éduquer" des enfants, etc. soient si peu concernés par les pbs des enfants. L'éducation passe bien par la gestion de certaines "crises", non?

Autrement pour les conceptions éducatives dont vous aurez compris que je ne les aime pas des masses, vous en pensez quoi, vous?

Y a-t-il du bon là dedans, ou faut-il tout rejeter?

Et est-ce qu'il y a des tendances, des mouvements éducatifs actuellement?

[Aude 5]

Je crois qu il y a toujours des tendances éducatives qui évoluent , je dis bien qui évoluent :D , mais la, tu serais pas allé chez lzs Scouts d'Europe par hasard? :blink:

[Goundoule 0]

Salut Jean...

Je suis choqué par ton témoignage...

Je vais tempérer mon jugement en disant que je suis, pour ma part quelqu'un de très sévère et dur en classe avec mes petits de 8 ans... Et il m'arrive de leur demander de se débrouiller un peu seul... (sinon ca vire à l'assistanat...)

Mais là où je suis choqué c'est que dans ce que tu décris il n'y a apparemment rien de fixe (ca peut changer d'un jour sur l'autre). Bon je sais que c'est dur d'être juste chaque jour mais je m'y attelle... (cependant, selon mon humeur, il m'arrive de refuser un jour le prêt d'un stylo à un élève et l'accorder le lendemain...).

Mais j'ai aussi remarquer que plusieurs fois ce que tu nous rapportais se rapprocher de l'humiliation... Enfin pas tout à fait. Disons plutôt que c'était à l'orée de l'humiliation, la vexation.

Ce qui m'inquiètes dans ton témoignage c'est qu'apparemment (tu ne le précises pas ou alors j'ai mal lu...) c'est un séjour de vacances. Et il me semble que les enfants doivent être en vacances... Alors je dis pas que ca doit être guinguette-plage mais enfin "le peu" qu'on peut leur apprendre en centre pourrait au moins se passer dans la convivialité... Pour ma part, ce que je fais en classe avec mes élèves, "à la dur" ne me gène pas le moins du monde. Je débute dans l'enseignement et j'apprécie, à priori, la "méthode ancienne".

Pour répondre à ta dernière question: "Et est-ce qu'il y a des tendances, des mouvements éducatifs actuellement? "

Il me semble, et je dis bien il me semble, que ces dernières années il y ait rejet d'un certain mouvement ayant entrainer l'enfant au coeur du système, en faisant de lui un peu "l'enfant-roi"... Il me semble qu'avec les dérives que cela ait entrainé la tendance soit plus au retour à des règles plus strictes et moins négociables... Enfin cela dit je n'engage que mon opinion... J'ai bien dit 'il me semble'...

Voilà donc ce que je pensais de ton témoignage...

Goundoule

[Quentin 5]

Salut Jean !

Et oui, on assiste depuis peu à un grand retour en force du "non" dans l'éducation. Auparavant, c'était l'époque du laisser-faire, du laxisme le plus total. Tout le monde s'y mettait (parents, instits...). Résultat, comme tout le monde le sait, on a engendré une génération d'enfants-tyrans, prompts à refuser toute autorité et à se complaire dans leur sauvagerie sans nom. Ca, c'est le discours officiel.

Discours officiel qui me fait beaucoup rire. Les enfants seraient-ils devenus subitement méchants, incapable de réguler leurs accès de violence, incapables aussi de se prendre en charge, transformés en assistés ? Je ne le crois pas. Ce que je pense plutôt, c'est qu'on a créé de toutes pièces ce malaise autour de l'éducation. Les parents interprètent n'importe quelle bêtise propre à tout enfant comme une "déviance" qu'il faudrait "soigner". L'enfant serait malade. Alors du coup, les parents qui se croient désemparés filent chez le médecin, consulte en pédopsychiatrie, persuadés que leur enfant relève d'un traitement médical.

En pédopsychiatrie, les consultations ne cessent d'augmenter pour des motifs qui ne relèvent pas d'un tel suivi. Aux Etats-Unis, les parents font davantage confiance aux médicaments qu'à eux-mêmes pour éduquer leur enfant. Un enfant qui bouge un peu ? Ah, il est hyperactif, donenz-lui donc un peu de comprimés ! Il n'a pas de bonnes notes ? Deux cuillères à café/jour de machin-chose et ça ira mieux.

Faut arrêter le délire ! Ce qui est possible, c'est que les parents se retrouvent perdus au beau milieu de toutes ces conceptions éducatives, je veux bien le croire. Et comme ils n'arrivent pas à s'y retrouver, ils ont tendance à s'en remettre à d'autres, à des institutions spécialisées, qui elles sauront leur dire comment agir.

Concernant maintenant le témoignage de Jean (édifiant !), j'ose espérer que je ne tomberai pas sur une équipe comme ça cet été... La fermeté, et plus encore les décisions incohérentes et les contradictions dans le discours de l'anim n'apportent grand-chose à l'enfant. J'irai même jusqu'à dire que ça lui ôte ses dernières illusions sur l'adulte Puisque tu poses la question Jean, je te répondrai que dans les exemples que tu cites, il n'y a rien de bon à retirer.

Sous prétexte d'apprentissage à l'autonomie, on laisse l'enfant se débrouiller seul. C'est aberrant ! Les enfants, pour des choses aussi complexes que la vie quotidienne, ne peuvent pas être mis en situation d'auto-apprentissage ! Ils ont besoin de l'aide de l'adulte, qui n'est pas là pour faire à la place de l'enfant mais qui doit le guider, l'encourager, le corriger éventuellement. Et si Goundoule tu crois que c'est faire de l'assistanat que d'agir ainsi, et bien tant pis, je continuerai à procéder de la sorte.

Quentin

[Goundoule 0]

Cher Quentin...

Je crois que tu as raison... Assister mes élèves serait le plus grand service que je pourrais leur rendre... Petit exemple : Quelques-uns de mes élèves sont de "grands consommateurs" d'école... Je m'explique: ils y arrivent et attendent qu'on leur fasse tout... Qu'on soit derrière eux pour leur tourner la page du livre, qu'on leur mette le doigt sur l'exercice à faire... Tu m'excuseras si je ne fais pas dans l'assistanat mais j'estime à un moment donné que ce genre d'enfant a besoin d'essayer de se débrouiller un peu seul... Ca ne peut que leur faire du bien... Mais ne me prends pas pour ce que je ne suis pas... Dans le cadre d'un respect mutuel, je n'exigerai jamais des enfants qu'ils aient un comportement ou un raisonnement qui leur soit totalement inconnu... Cependant, dans le cadre de mon job, il me semble être en droit et en devoir d'exiger de mes élèves qu'ils me restituent un comportement (tant dans le travail que dans le disciplinaire) précédemment étudié... Et même si l'envie m'en prenait, je me sentirais coupable de les "assister"... Je ne leur rendrais, en effet, pas service...

Enfin comme je te l'ai dit je ne parle que dans le cadre scolaire... (chose peut-être que tu ne connais pas...)

A bientôt...

Goundoule

[Invité Jean]

Personne ne tombe sur une équipe comme ça à moins de le vouloir, c'était une sortie scolaire avec une école privée. On m'a offert la possibilité de participer et comme y'avait pas de gros risque pour moi j'en ai profité, d'ailleurs c'est très instructif. :D

Goundoule -> Disons que ce que j'ai vu je l'ai raconté comme je l'ai ressenti, mais je n'ai rien inventé, et je n'ai pas tout dit non plus. Etre dur ou pas, chacun a ses raisons, et même l'incohérence, personne ne doit complètement y échapper, simplement dans le cas de cette semaine ça m'a vraiment dérangé... Quand j'ai vu qu'on pouvait refuser à des enfants d'aller aux toilettes, quand j'ai vu sur quel ton on leur parlait, moi qui suis plutôt pas de ce genre, j'ai pris la mouche en quelque sorte.

Pour l'humiliation, à certains moments je crois que c'en était vraiment, mais tout le monde ne le prenait pas forcément comme ça.

En ce qui concerne les tendances educatives dont parle aussi Quentin, je pensais bien à cela. Simplement je n'ai jamais entendu d'analyse franche à ce sujet ou d'explication satisfaisante même si ça tourne toujours autour des mêmes thèmes.

Je suis à priori d'accord pour dire que les parents manquent de confiance en eux en tant que parents... Mais est-ce que ça suffit à tout expliquer?

[Quentin 5]

En effet Goundoule, je ne parlais pas de l'apprentissage de l'autonomie dans le cadre scolaire mais bien en CVL. Il me semble que les attentes qu'on peut avoir de l'enfant sont différentes selon qu'on soit à l'école ou en CVL (même si elles tendent toutes vers le même objectif) et c'est pourquoi il me semble nécessaire d'opérer une distinction entre les deux. Comme je ne connais pas l'école (je veux dire par là que je n'ai jamais eu de classe devant moi), je me limiterais à l'exemple des CVL.

Oui, tous les enfants que j'ai vu défiler en colo étaient des assistés et tant mieux. Je prends le mot "assisté" dans son sens positif : en tant qu'anim, il me paraît absolument nécessaire d'assister les enfants, de les guider vers la réalisation d'objectifs qu'ils ont eux-même déterminés. L'adulte n'est pas là simplement pour encadrer les enfants, il a aussi un devoir d'accompagnement parce que je considère qu'on ne doit jamais laisser un enfant en rade en lui disant : "Débrouille-toi".

Il y a deux raisons pour qu'un enfant ne fasse pas quelque chose : il n'en voit pas l'utilité (problème de motivation) ou il ne sait pas faire (ou les deux à la fois). Dans ce cas-là, le rôle de l'anim est primordial : au lieu de laisser courir, de se fâcher, de rabaisser l'enfant (ce qui ne servira jamais à rien) ou de faire à sa place (inutile car l'enfant qui veut faire mais ne sait pas faire sera frustré), il doit assister l'enfant et répondre à sa demande. Quand l'enfant sollicite l'adulte, alors ce dernier doit l'aider.

Tu dis que ce n'est pas leur rendre service... Je pense tout le contraire et j'ai plein d'exemples à la clé de petites réussites, de petites conquêtes, même minimes. Maintenant, il est vrai que ton expérience d'instit est sans doute différente de mon expérience d'animateur et je ne permettrais pas de te reprocher tes pratiques à l'école parce que je ne sais tout simplement pas à quels résultats elles aboutissent. Mais j'avoue simplement que l'expression "à la dure" que tu sa employée dans ton premier message me fait assez peur. J'aimerais bien savoir ce qu'elle cache.

[Goundoule 0]

:-D "A la dure'" ne cache rien de dérangeant...

Je n'ai pas de martinet avec moi... Euh en fait, j'en ai pas trouvé en magasin! :D

Non quand je dis à la dure, je pense à ma façon d'être stricte sur plusieurs choses: leur tenue des cahiers, leur comportement en classe, mon stress que je leur communique... Mais je te rassure aussi, que s'il faut en attraper un ou une par le collet, ben je me gène pas... Et je les remets dans le "droit chemin"! ( Oh grand mot que nous avons tous entendu enfant!) non mais si dans le rang ou dans les escaliers j'en vois faire l'idiot ben je me gène pas pour le prendre et le mettre (et non l'inviter poliment... ) dans le fond du rang...

Et je te dirais que les enfants avec lesquelles je travaille ("petits sauvages" que les jeunes enseignants ont à leur début) sont en demande de ce cadre rigide... Après je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit que c'est la meilleure méthode pour apprendre aux enfants... Mais elle a le mérite de permettre à mon avis au plus grand nombre de ma classe (c'est à dire des excités...) d'apprendre. Et c'est là pour le moi le primordial...

Après quand je suis en colo, je suis complètement différent... Je te rejoint dans ton comportement... Je les assiste presque: si un bout de chou n'arrive pas à faire son lit, je serais le premier à lui proposer de l'aide mais en essayant progressivement au fil des journées de lui montrer comment faire au plus simple... Tiens juste une anecdote: Je suis parti en classe de découverte avec mes petits élèves (8 ans). Hé bien j'étais totalement différent du prof qu'ils ont d'habitude. Les lits, je leur en faisais 80%, les affaires je les aidais à les ranger, ... Le problème est que là je ne cherchais pas à les "autonomiser"... Ca me faisait plaisir... C'était un moment de vie quot' que je partageais avec eux...

Pour ce qui concerne mon expérience de l'enseignement, je te rassure ce n'est que ma première année et j'ai encore énormément de choses à apprendre...

Allez à bientot!

[Sylvie.slick 0]

:bye: Salut Jean,

Ton témoignage permet de montrer les comportements et attitudes de cetraines personnes qui se disent animateurs, et qui ont du oublier que animateur et éducateur ça rime et que l'intervention éducative dans la vie de l'enfant en CV, c'est aussi et surtout dans la vie quotidienne de l'enfant qui prend l'adulte comme un repère et une reférence . J'imagine l'éducation que l'enfant reçoit au quotidien quand il est "éduqué" comme ça!!!!

L'enfant évolue dans un cadre qui n'est pas cohérent: quel objectifs y avait-il à travers ce séjour?

L'échange sur l'éducation des enfants entre animateurs est très important: avant, pendant et après les séjours. ça permet à certains d'évoluer aussi à travers les conceptions des autres et de se découvrir de vraies valeurs. Pas utopique!

Pas obligé de se formaliser des temps comme ça, qui parfois partent en c...... mais par des discussions, à tout moment.

On peut également prendre les devants: :noel:

en prenant l'initiative de réagir le premier envers l'enfant. Le valoriser, le soigner, discuter avec lui, s'intéresser à lui, tenter de répondre à ses besoins en lui permettant de le faire évoluer à travers les autres.

Merci au site qui permet d'avoir des discussions comme celles-là sur les conceptions éducatives. Pourvu que certains anim se remettent en question et reprennent le bon chemin de l'envie de permettre aux enfants de passer du bon temps avec ses copains... après tout, c'est tout ce qu'il demande!

:bye: :bye: :chat: