jean

Citoyenneté Et Animation

Recommended Posts

Je trouve que faire de l'animation se rapproche parfois beaucoup trop de "faire la police".

Ainsi lorsqu'on nous demande d'animer des activités sur la citoyenneté, je pense qu'on nous demande d'enseigner aux enfants qu'ils ont «des droits et des devoirs» ; et bien souvent ça se termine en «vous devez respecter la loi».

La définition de la citoyenneté.

En gros c'est être intégré au système de lois d'une société. Et on peut ainsi participer à la vie de la société (vie politique, vie sociale, vie civile...)

On doit donc reconnaître le système de lois et s'y soumettre, on peut aussi transformer ce système de lois. On peut se faire élire, proposer de nouvelles lois.

En animation nous confondons bien souvent la citoyenneté et le civisme. Le civisme est le respect des lois. Le citoyen ne fait pas que respecter les lois, c'est un statut supérieur qui donne la possibilité de modifier les droits.

Animateurs, nous prétendons encourager la créativité des enfants. De ce que je constate depuis que je fais ce métier, nous encourageons volontiers la créativité artistique des enfants, on achète de la peinture au quintal, des feuilles de papier par dizaines de milliers, et toutes les grandes villes ont leurs magasins de "loisirs créatifs".

Dans le même temps, nous étouffons toute créativité politique. Un animateur qui ferait de la politique avec les enfants commettrait une erreur, il est mal vu de critiquer le conseil municipal quand on en dépend alors qu'il s'agit d'un principe démocratique de base : respecter un ensemble de lois tout en agissant pour le transformer.

Ceci fait que selon moi, les activités sur la citoyenneté, ce sont les activités qui donnent du pouvoir aux enfants, des activités qui montrent aux enfants comment fonctionne le droit, comment produire du droit.

Il ne s'agit pas du tout de l'activité banale «d'écrire les règles de vie». Ces règles sont factices, c'est juste un outil autoritaire de plus... et les vraies règles sont en réalité un ensemble qui oscille entre le règlement intérieur et l'humeur des animateurs et du responsable de la structure.

Ce dont je parle ce sont des activités qui ammènent les enfants à connaître tout ça, à savoir à quelles règles (écrites ou non) ils sont soumis, à juger si ces règles sont légitimes ou non, si elles peuvent être transformées ou non, à transformer intelligemment ces règles. Intelligemment c'est à dire pas pour en profiter eux-mêmes, mais pour que tout le monde en profite.

J'aurais aimé avoir beaucoup d'idées d'activités mais j'en ai marre d'écrire. Je reviendrai plus tard.

Je pense à quelques domaines d'activités pour les enfants :

-vocabulaire

-connaissance de nos systèmes de lois

-exercice du pouvoir local (mairie, municipalité)

-connaître et différencier différentes conceptions du pouvoir : dictature, démocratie...

-reconnaitre des modes d'application du pouvoir : missions, ordres, contrôles, gratification, sanction

-la liberté, pourquoi? jusqu'où?

-le choix : liberté ou obéissance?

-avoir des principes moraux

-ne pas se laisser corrompre

-suivre quelqu'un de charismatique ou... se laisser dicter ses faits et gestes?

-dynamiques de groupes

-les insultes

-le pouvoir par la force

-les amis, les privilèges

-contrôler et maîtriser les autres

-... (si vous avez des idées)

Modifié par jean

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

De mon point de vue, l'éducation populaire vient en complément de l'enseignement scolaire. En d'autres termes, je pense que notre rôle devrait consister à faire travailler ce que l'école met de côté.

A l'école, on apprend aux enfants à voter lors des élection de délégués. Et finalement ça se résume un peu à ça. Quel est le rôle des délégués? J'ai dû attendre d'arriver en seconde pour le savoir. Avant, on ne nous l'a pas expliqué, et à mon avis cela ne devait pas intéresser les enseignants.

Mais le fait de voter suffit-il a faire qu'un occupant de la terre devienne citoyen?

Aujourd'hui, lorsque j'écoute les gens parler, beaucoup sont dans le "c'est comme ça, qu'est-ce que vous voulez? Les élus ont décidé ceci. Eux sont très majoritairement issus de l'ENA, de sciences po ou d'une autre grande école. Ils sont instruits, ils ont le savoir, pas nous. Alors s'ils nous expliquent que "there is no alternative", ils ont probablement raison."

J'ai le sentiment que les gens aimeraient avoir du changement, mais lorsqu'on leur expose des idées qui vont à l'encontre de la pensée dominante, ils se résignent instantanément et répondent que ce n'est pas réaliste.

Et s'ils prenaient le pouvoir? S'ils décidaient un peu par eux-même au lieu de s'en remettre systématiquement à ceux qui prétendent tout savoir et qui n'ont même pas nécessairement bien appris leurs leçons?

Initier les enfants à la citoyenneté est une idée à laquelle j'ai beaucoup réfléchi, mais sans jamais trouver par quel bout aborder le sujet. Il est très difficile de sortir de nos systèmes de pensée et de fonctionnement, et d'ensuite faire faire ce même travail aux enfants.

L'enfant apprenti citoyen, mais toujours amené à obéir, à respecter les règles. Lorsqu'il est consulté, on ne tient pas réellement compte de son avis, ses propositions sont souvent écartées si elles ne correspondent pas à ce que l'animateur auraient voulu entendre. Dans ces conditions, où s'exerce la citoyenneté?

Partir de contes, poser des questions, proposer des ateliers de théâtre-forum, utiliser des pédagogies alternatives, je ne sais pas, je bloque, je coince.

Mais il y a une autre grande difficulté, celle d'imposer à une équipe qui a son train-train, ses façons de faire qui lui conviennent bien, qui ne conviennent pas forcément aux enfants, qu'à partir de maintenant les enfants vont prendre du pouvoir. C'est en quelque sorte, une mini-révolution qui dérange ceux que le système en place arrangeait bien.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Il est très difficile de sortir de nos systèmes de pensée et de fonctionnement, et d'ensuite faire faire ce même travail aux enfants.

Il n'y a pas de travail à faire faire aux enfants. Ou plutôt il faudrait ne faire aucun travail tandis que nous en faisons actuellement un.

Nous faisons actuellement l'effort (très difficile, souvent violent) de mettre les enfants dans les rangs, dans des habitudes qui nous garantissent la tranquillité.

Dans notre société, nous avons mis en place des institutions qui permettent de garantir la tranquillité (dans le socio-culturel on dit carrément "la paix sociale"). Car il y a des raisons de ne pas se tenir tranquille. Des raisons comme des choses injustes dans l'organisation économique du pays, dans les principes de notre système monétaire, dans les principes de gouvernement.

Ce n'est sans doute pas un hasard si les jeunes gens sont diabolisés, eux dont l'esprit idéaliste s'exprime le plus vigoureusement.

Qu'est-ce qu'on fait pour les ados? C'est très symptomatique. On leur propose justement de travailler! Des chantiers jeunes, des junior associations (dont l'acte de déclaration principal est l'ouverture d'un compte bancaire), des "projets" et autres actions. Et biensûr on étudie des projets de lois pour abaisser l'âge légal auquel on a le droit de commencer à travailler.

Ne plus faire ce "travail" : commencer par laisser la paix aux enfants, un maximum de liberté. Ce n'est pas bien difficile, ce n'est pas que ça demande plus de travail aux adultes. C'est que ça leur fait peur. On a peur car on s'est organisé pour pouvoir se dire que "on travaille bien si...

-si les enfants ne font pas de bruit

-si les enfants nous obéissent

-si les enfants marchent deux par deux

-si les enfants disent des choses intelligentes

-si les enfants fabriquent de belles choses

..."

Il faut prendre le temps, patiemment, pendant 5 ou 10 ans, ou plus, d'observer les gens autour de soi qui s'affolent (au sens littéral) lorsque des enfants sortent du rang, font quelque chose d'inattendu, désobéissent. On a pris l'habitude de rabrouer ceux qui ont des idées impromptues, ceux qui ne font pas comme tout le monde. Alors que c'est eux que nous devrions écouter le plus.

Partir de contes, poser des questions, proposer des ateliers de théâtre-forum, utiliser des pédagogies alternatives, je ne sais pas, je bloque, je coince.

Commencer par laisser les enfants choisir, faire ce qu'ils veulent, c'est un bon point de départ.

Par contre comme tu dis, il y a la difficulté de l'équipe. C'est ancré si fort chez beaucoup de gens qu'ils vont aussitôt se fédérer autour de l'idée que rien ne va plus. Qu'on ne se fait pas obéir, qu'on ne contrôle plus rien.

Il n'est écrit nulle part (c'est carrément dingue) que les adultes doivent impérativement maîtriser les enfants et se faire obéir. Pas sur notre contrat, pas dans notre fiche de poste, pas dans le projet éducatif, pas dans le projet péda, pas dans le projet de fonctionnement. Il faut arriver à des réunions exécutives, et encore... des réunions de crise pour commencer éventuellement à parler de l'obéissance des enfants.

Mais grosso modo c'est une question qui s'incruste naturellement dans la tête des adultes et qui se joue là.

Ainsi, légalement, notre travail n'est pas de maîtriser les enfants. Et on ne peut pas nous sanctionner pour ça. Il faudrait que ça les mette en danger pour qu'on soit sanctionné.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Salut à tous,

C'est traversé par le choc, la tristesse, le chagrin, la colère, l'indignation et la révolte que je commence cette année.

Mercredi. Plan vigipirate relevé au niveau maximum dans ma région. Attentat à Paris ce matin. Que s'est-il passé? Pas plus d'infos pour le moment. Charlie Hebdo a été attaqué. 12 blessés ou morts, je n'en sais pas plus. Charb figure parmi les victimes avec d'autres dessinateurs et deux policiers. Le soir j'apprendrai également la mort de Bernard Marris.

Jeudi. Drapeaux en berne. Une minute de silence a midi. Je travaille, je suis dans le réfectoire avec les enfants qui se sont tus. Mais pas d'explication autre que "vous savez tous pourquoi." Je pense aux victimes et à leurs proches. Je fonds en larmes.

Je repense aux événements de 2001 outre-Atlantique. J'avais dix ans à ce moment-là. Pas souvenir qu'ont m'ait expliqué la raison de la minute de silence que nous avions tous faite ce jour-là.

Il est évident que les enfants savent tous qu'il s'est passé quelque chose de gravissime. Mais que savent-ils au juste ? D'où le savent-ils ? De la télévision ? De la radio ? De leurs parents ? D'internet ? De leurs copains le lendemain de l'attentat ? De leurs enseignants ? Pas de nous, en tout cas. Pas dans l'école où je travaille le midi. Quelles images ont-ils vu ? Dans quel état sont-ils ?

Puis les nouvelles qui suivront ne seront pas là pour rassurer. Fusillade à Montrouge le jeudi matin. Une jeune gardienne de la paix assassinée. Double prise d'otages le vendredi. 4 morts. Des hélicoptères, des sirènes de pompiers, d'ambulances, de police. Sont-elles plus nombreuses qu'avant, où est-ce moi qui fait des rapprochements ? Que se passe-t-il dans les têtes de nos enfants à ce moment-là ?

Doit-on leur en parler ? Quel discours tenir dans de pareil circonstances ?

J'aimerais leur parler des valeurs de la République. La liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté de culte, la laïcité, le droit au blasphème, la République, la démocratie, la Nation, la citoyenneté.

Tous ces mots ont un sens qu'il me parait capital de comprendre pour pouvoir les défendre, comme je les ai défendu Place de la République jeudi soir, et comme je les défendrai, sans drapeau partisan, ce dimanche dans le cortège entre République et Nation.

Mais comment en parler ? Je ne travaille pas dans la même structure le midi et le mercredi après-midi. Je ne sais pas ce qu'ils savent, l'état dans lequel ils sont, s'ils ont déjà tourné la page, s'ils comprennent ce qui se passe.

Au fait, dans mon accueil de loisirs, ils sont environ 11 enfants, en élémentaire.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant